Préludes
Editorial de Mgr Joseph Doré pour le n°29 de la revue Préludes.

L'Anfol, au seuil du nouveau millénaire
Première chose, nous sommes en train de changer de millénaire. Ensuite, fondée en 1959, l'ANFOL vient de fêter son 40e anniversaire. Enfin, Préludes, revue trimestrielle de l'Association, modifie sa couverture et change partiellement sa présentation pour son numéro 29, publié le 1er janvier 2000. Or c'est précisément le moment où se cumulent ces trois données que Suzy Schwenkedel a choisi pour me demander un éditorial !

Appréciant la manière dont elle met sa compétence au service de la musique liturgique dans notre diocèse d'Alsace, et désireux par ailleurs de saisir toute bonne occasion d'exprimer mon estime pour la musique d'Eglise en général et de lui apporter mon soutien, j'accède volontiers à la demande qui m'a ainsi été présentée. Je le ferai en proposant ici trois réflexions qui correspondront respectivement aux trois circonstances évoquées.


Présent et avenir de l'orgue
On le sait bien ici : l'orgue existait déjà au Ier millénaire. Il s'est développé, enrichi et affiné à la fois pendant le IIe ; et, y compris en Alsace - le pays aux 1600 orgues -, nous disposons toujours d'admirables instruments « historiques »... Mais voici qu'à l'entrée du IIIe millénaire sont apparus des instruments électroniques aptes à divers types de « performances », voici que tend à se répandre l'usage du CD pendant diverses célébrations, et voici que pointent des musiques « virtuelles ».

Certes, en liturgie non plus, il n'y a pas à récuser par principe la nouveauté et les améliorations diverses qu'elle est éventuellement susceptible d'apporter ; par ailleurs, il faut toujours, localement et ponctuellement, tenir compte des possibilités concrètes et, à plus forte raison, des nécessités pratiques. Mais ce serait tout autre chose de se laisser glisser dans la facilité, de renoncer à la qualité ; ce serait tout autre chose de se satisfaire, pour la célébration liturgique, d'une musique destinée seulement à créer artificiellement, par des procédés simplement décoratifs ou ornementaux, une vague ambiance « religieuse », aussi évanescente que superficielle.

Face aux dérives possibles, il faut donc rappeler que c'est du cœur même de l'homme que monte la louange, que c'est le cœur de l'homme qui fait la musique capable de rendre vraiment gloire à Dieu. Heureuses dès lors, certes, l'assemblée, la paroisse qui, déjà, disposent d'une chorale qui peut à la fois entraîner et soutenir leur chant ; mais plus heureuse encore l'église à laquelle sont aussi donnés un orgue et un organiste, car c'est alors que ses célébrations peuvent être pleinement offrande musicale !

« C'est le vivant, c'est le vivant qui te rend grâce », chante le psaume. « Que le vivant te rende grâce, à toi qui es le Dieu vivant », nous fait chanter, en écho, Didier Rimaud. L'orgue et l'organiste ont toujours de beaux jours devant eux.


Mission de l'ANFOL
La liturgie est par excellence le lieu de la prière chrétienne et même de l'évangélisation chrétienne. Elle ne l'est bien sûr que parce qu'elle est toute pétrie de la foi qu'elle a pour fonction d'exprimer. Précisément, dans la mesure où la musique est, et se veut, partie intégrante de la liturgie, elle ne peut être seulement affaire de savoirs et de technique, de méthodes et de pédagogie. Tout cela, qui est nécessaire, étant dûment assuré, la vraie musique liturgique ne peut que jaillir de l'intime de l'homme, de son cœur et de son âme. A quoi servirait­il dès lors d'avoir des organistes qui « savent » de plus en plus et même « jouent » de mieux en mieux, s'ils n'avaient la conscience de ce pour quoi ils « œuvrent », si s'estompait en eux le sens de ce que ils « interprètent » ?

On ne peut donc qu'encourager et soutenir l'Association Nationale de Formation des Organistes Liturgiques dans son effort pour offrir aussi, à ceux qu'elle accueille, les moyens d'une formation liturgique digne de ce nom. Si les conservatoires ne suffisent pas pour l'apprentissage du métier d'organiste liturgique, il y a place pour une structure de formation qui s'efforce d'initier et de former aussi à « l'âme de la liturgie ».

A la clôture de leurs travaux en décembre 1965, les évêques réunis pour le Concile Vatican II saluaient les artistes, en leur adressant cet appel :

« Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance. La beauté, comme la vérité, c'est ce qui met la joie au cœur des hommes, c'est ce fruit précieux qui résiste à l'usure du temps qui unit les générations et les fait communiquer dans l'admiration. »

Dans sa toute récente « Lettre aux artistes » datée du 4 avril - c'est­à­dire du jour de Pâques - 1999, Jean­Paul II commente :

« D'innombrables croyants ont alimenté leur foi grâce aux mélodies qui ont jailli du cœur d'autres croyants et sont devenues partie intégrante de la liturgie ou du moins concourent de manière remarquable à sa digne célébration. » (La Documentation catholique, n° 2204)

Il y a de belles tâches pour l'ANFOL dans la ligne de ses deux missions principales : former, pour sa part, des organistes ; et les former pour la célébration liturgique de l'Eglise !


Bon vent à Préludes

Venant successivement de parler pour l'orgue puis de m'adresser aux organistes et à l'Association qui leur propose une formation en vue de l'aspect liturgique de leur service, j'ajoute maintenant un mot à l'adresse de leur revue Préludes, qui se donne une présentation partiellement renouvelée au moment d'entrer dans le siècle et le millénaire nouveaux.

Je ne puis que lui souhaiter « Bon vent » – et je veux le faire de deux points de vue. Je lui souhaite d'abord le vent qui emporte les navires vers « les grands espaces » et « les vastes horizons » : qu'à travers ce qui se publie dans Préludes puissent être toujours relancés chez tous ses lecteurs le sens de la musique dans la liturgie de l'Eglise et le service du « soli Deo gloria » auquel elle est appelée à concourir. Mais je souhaite aussi que, grâce aux organistes qui fréquentent cette revue, le vent qu'ils font souffler dans les tuyaux de nos orgues et qui fait vibrer leurs anches fasse toujours mieux résonner nos âmes à nous tous, qui les écoutons, et puisse les enchanter des musiques de Dieu.

Mgr Joseph DORÉ,
Archevêque de Strasbourg.

 

Pour plus de renseignements sur la revue Préludes et la façon de s'y abonner, se rendre sur le site de l'Anfol.